Yanick Hess

Imaginez cette petite histoire dans le cas où le projet de règlement passerait tel quel sans être amendé :

Dans la commune du Mont-Reux, nichée entre un grand lac et le sommet Reux, les élections cantonales approchaient à grands pas. La population, habituée à voir s’épanouir les campagnes électorales sur les affiches sauvages en-dessus de l’autoroute et sur les panneaux SGA en ville, assistaient cette année à un changement radical, mais pas très libéral.

La Municipalité venait d’adopter un projet de règlement visant à « égaliser les chances démocratiques » : chaque parti aurait droit au même nombre de panneaux d’affichage, disposés aux mêmes endroits, et surtout l’achat de surface publicitaire supplémentaire sur la voie publique était désormais totalement proscrit.

L’objectif semblait louable : garantir une visibilité équitable.
Mais les effets furent inattendus… et profondément injustes.

À gauche, le collectif « Mont-Reux Citoyen », composé de jeunes militant-e-s écologistes et d’indépendant-e-s, se réjouissait d’abord. Avec leurs moyens modestes, ils avaient toujours peiné à concurrencer les grandes campagnes d’affichage financées par les partis traditionnels. Mais très vite, ils réalisèrent que leurs idées, complexes et nouvelles, demandaient plus d’espace pour être expliquées. Leur style sobre, sans visage connu, mais avec un slogan accrocheur fait par le Syndic d’une ville voisine, perdait de sa force dans la contrainte des quelques panneaux alloués. Incapables de faire campagne dans les villages des hauts faute de publicité sur les réseaux, leur message s’étiola.

À droite, le parti « Mont-Reux Ensemble », pourtant fort d’un électorat stable, fut lui aussi frappé de plein fouet. D’ordinaire, il utilisait des fonds pour louer des panneaux supplémentaires le long des grands axes routiers, là où ses soutiens étaient nombreux mais peu engagés politiquement. Sans cette présence visuelle, le parti peina à mobiliser. Certains quartiers historiquement à droite virèrent à l’abstention.

Au centre, la liste « Mont-Reux Libre », composée de personnalités diverses, souffrit de l’absence de personnalisation. Le règlement interdisait non seulement l’affichage supplémentaire, mais aussi toute signalétique politique temporaire hors des panneaux officiels. L’enthousiasme citoyen fut étouffé dans l’œuf, ce qui fit l’affaire d’un ancien député d’une ville voisine.

Même les partis bien implantés au niveau national se heurtèrent à une difficulté inattendue : comment adapter une stratégie de communication locale avec si peu d’espace ? Les grands vainqueurs étaient les candidats des autres communes qui gagnaient un certain avantage. Pour les candidats de la commune de Mont-Reux, moins connus, certains restaient anonymes. Le débat public s’étiola.

Les seuls à tirer leur épingle du jeu furent les entreprises américaines de réseaux sociaux, et les perdants nos imprimeurs locaux qui ne tirèrent plus d’affiche en format mondial.

La campagne se joua moins sur les idées que sur la notoriété acquise en dehors des canaux officiels. Au lieu de disparaître, les inégalités se déplacèrent avec ceux capable de se payer une large campagne digitale.

À Mont-Reux, le soir de l’élection, l’ambiance était morne. L’abstention atteignit un record. Les gagnants furent les candidats des communes voisines qui n’avaient pas de restriction.

Aucun élu du Mont-Reux ne passa la rampe. Les militants de tous bords, même ceux qui avaient soutenu la réforme, réalisèrent qu’en voulant limiter les excès de certains, on avait étouffé l’expression de tous.

Dans un café, un vieux militant damounais du nom de Lu Zof soupira :
« Une démocratie sans voix, c’est pas une démocratie. Ce qu’il fallait, c’était réguler, pas bâillonner. »

Vous l’aurez compris, le PLR unanime invite le Conseil à rejeter un amendement qui interdirait de l’affichage politique payant sur notre territoire communal.

Yanick Hess,
Conseiller communal PLR

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