Monsieur le Président, Chères et chers collègues,

Je déclare mes intérêts : j’habite au centre de Montreux, à proximité immédiate du carrefour de la Paix.

En préambule, j’aimerais souligner trois points justifiant que la présente intervention est faite ici au conseil communal de Montreux et non au conseil intercommunal de l’ASR.

Premier point : Dans sa séance du 10 juin 2021, le conseil intercommunal de l’ASR a abrogé l’art. 78 du Règlement général de police de l’ASR, lequel interdisait la mendicité. Les dénonciations doivent maintenant être transmises au préfet et c’est l’art. 23 de la loi pénale vaudoise qui s’applique. J’imagine, peut-être à tort, que cette abrogation peut éventuellement fonder à nouveau une compétence communale ? Cela sera en tout cas l’une de mes questions.

Second point : Juste avant la séance du conseil intercommunal de l’ASR du 22 avril 2021, j’avais transmis, à la hâte à quelques-uns de nos représentants à l’ASR une proposition d’intervention proche de celle de ce soir. Le temps à disposition pour finaliser l’intervention n’a ma foi pas permis à nos représentants à l’ASR de faire une intervention en bonne et due forme le 22 avril, et je comprends tout à fait cela. Néanmoins, il me semble avoir donné l’impulsion suffisante pour qu’une intervention de ce type soit faite au conseil intercommunal de l’ASR du 10 juin dernier. Cela n’a pas été le cas. Au risque de déplaire avec ce que je vais dire et je m’excuse d’avance, j’estime que nos représentants montreusiens à l’ASR doivent absolument jouer un rôle de relais des préoccupations montreusiennes, et non de filtre, d’autant plus que dans le cas de la mendicité, je sais que ma préoccupation est partagée par certains de nos représentants à l’ASR.

Troisième point : Certaines questions de la présente interpellation concernent exclusivement la Municipalité. Pour certaines autres questions, j’admets volontiers qu’il est plus que souhaitable de demander la collaboration de l’ASR pour avoir une réponse plus complète et plus approprié. Cette collaboration étroite entre ASR et Municipalité est d’ailleurs la manière de faire lorsque des compétences de police sont évoquées, c’est ce qui nous avait été expliqué par notre Municipal Jean-Baptiste Piemontesi lors de la séance de commission sur la motion Luder en fin d’année passée.

Alors, au risque de froisser les esprits les plus formalistes, je ne vois pas l’intérêt de scinder et des multipliez les interventions, les conseils et les conseillers pour une interpellation que je considère comme étant en partie de compétences municipale. Trouvez dans tout ce qui vient d’être dit la justification de cette interpellation, ici et maintenant, avant la saison touristique.

Ceci étant dit, j’en viens maintenant à la raison même de mon interpellation.

Depuis 2020 en tout cas, j’ai constaté une recrudescence de la mendicité au centre-ville de Montreux. Je parle de recrudescence, j’aurais presque envie de dire qu’il s’agit carrément d’un phénomène nouveau. Ayant discuté récemment avec bon nombre de personnes, conseillers communaux ou pas, citoyens montreusiens, il apparait clair que je ne suis pas le seul à observer cette tendance inquiétante.

Petite précision, la présente interpellation ne vise pas en premier lieu les pseudos artistes de rue, dont le qualificatif « artiste » apparait souvent comme usurpé. Une question les concernant sera toutefois posée. Je ne parle pas non plus des gens en marge de la société et qui demande simplement l’aumône, d’ailleurs il me semble que c’est encore plutôt rare à Montreux. Je parle ce soir avant tout des gens qui exercent une mendicité plus insistante, plus dérangeante, au gobelet, éventuellement avec un panneau, avec interpellation des passants, en général à proximité immédiate de l’entrée des magasins ou aux arrêts de transports publics, faisant grandir le sentiment d’insécurité. C’est bien cette mendicité-là, que l’on appelle parfois la mendicité par métier, peut-être même le fait de bandes organisées, c’est cette mendicité là que je déplore ici ce soir.

Voici quelques observations faites. :

Depuis l’automne passé, j’ai vu de nombreuses personnes s’adonner à la mendicité. Devant la coop de Montreux Centre, à la rue de la Paix, au moins cinq fois. Devant le forum à Montreux, trois fois. Derrière l’arrêt de bus de la gare de Montreux, une fois. A l’intérieur même de la gare, agenouillé dans le passage sous-voie, une fois. Pas toujours les mêmes personnes. Parfois des hommes, parfois des femmes. J’ai plusieurs fois appelé la police pour dénoncer ces cas avec en retour la promesse qu’une patrouille allait se déplacer. Faisant entièrement confiance à la police, je ne suis pas resté sur les lieux pour vérifier.

Trois cas spécifiques ont particulièrement retenu mon attention :

En été 2020, au débarcadère de Montreux, un homme très insistant, à la limite de l’agressivité, alpaguait les passants parmi lesquels les nombreux touristes qui venaient du bateau. Vous avouerez qu’il y a plus chaleureux comme accueil et comme première impression de notre magnifique ville lorsque l’on y débarque.

Le 27 mars 2021, il y avait un homme qui s’adonnait très activement à la mendicité au beau milieu de la place de jeu de la Rouvenaz, entourés donc de tous les enfants qui jouaient et qui devaient se demander ce que faisait cet étrange personnage. C’est sans doute le dernier endroit pour se prêter à ce genre d’exercice. Même dans un hypothétique désarroi, la dignité et le respect d’autrui, en particulier des enfants, doivent absolument prévaloir.

Le 22 avril 2021, quelques heures avant la séance de l’ASR précitée, mon collègue Pascal Rossier a publié sur les réseaux sociaux la photo d’un mendiant agenouillé sur l’un des trottoirs de l’Avenue du Casino, empêchant les passants de continuer leur chemin, ils devaient faire un détour sur la route pour passer. Une photo vaut parfois mieux que mille mots, cette photo en tout cas a suscité pas mal d’émois.

En feuilletant sur internet quelques bulletins hebdomadaires de l’ASR en 2021 et 2020, on s’aperçoit effectivement que plusieurs cas de mendicité sont rapportés çà et là, à Montreux, à Clarens. Ces bulletins ne reprennent pas les cas évoqués ci-dessus, mais les interventions de l’ASR n’ont pas à y figurer de manière exhaustive, c’est bien normal.

Au niveau juridique maintenant, voici un petit rappel de la situation.

L’interdiction de la mendicité en terres vaudoises, confirmée par le Tribunal fédéral, est entrée en vigueur le 1er novembre 2018. Le 19 janvier 2021, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu un jugement dans une affaire genevoise exprimant non pas, comme on peut le lire parfois, que la mendicité serait redevenue autorisée, mais avant tout que la sanction infligée à une mendiante récidiviste n’était pas proportionnée. S’en est tout de même suivi des interprétations très variables et disparates, principalement des médias et des politiques sur tout ce que cet arrêt de la CEDH dit et surtout sur ce qu’il ne dit pas.

Deux motions sont actuellement pendantes au Grand Conseil, l’une de gauche demandant purement et simplement d’annuler l’interdiction de la mendicité, l’autre de droite demandant d’interdire la mendicité active et d’exclure la mendicité active et passive dans les lieux sensibles. Renseignements pris, en faisant l’hypothèse raisonnable que l’une ou l’autre des motions sera acceptée par le Grand Conseil, le processus législatif qui s’ensuivra fait qu’une modification de la loi actuelle n’est que peu envisageable avant fin 2023 au plus tôt. La situation actuelle, c’est-à-dire l’interdiction pure et simple de la mendicité, perdurera donc encore quelques temps en territoire vaudois, jusqu’à ce que la loi ait été modifiée. Cela a été confirmé par la Conseillère d’Etat Béatrice Metraux, cheffe du Département des institutions et de la sécurité.

En résumé, sur notre territoire communal, cette problématique de la mendicité n’est ni marginale, ni encore hors de contrôle, mais elle est à tout le moins préoccupante. C’est surtout la tendance observée ou présumée à la hausse qui inquiète, alors que, rappelons-le encore une fois de plus, la mendicité est interdite et restera interdite jusqu’à nouvel avis sur tout le territoire vaudois, Montreux compris.

Je me permets de poser les questions suivantes à la Municipalité :

Question 1 : La Municipalité relève-t-elle une augmentation de la mendicité sur le territoire montreusien lors des dernières années et plus particulièrement lors des derniers mois ?

Question 2 : La Municipalité tolère-t-elle la mendicité sur le territoire montreusien ?

Question 3 : La Municipalité juge-t-elle la problématique actuelle de la mendicité préoccupante au point de la porter devant l’ASR afin de solliciter une réflexion sur d’éventuelles mesures à prendre ?

Question 4 : La Municipalité sait-elle si les divers cas de mendicité observés récemment pourraient éventuellement être de la mendicité dite organisée ?

Question 5 : Concernant les soi-disant artistes de rue, qui délivre les autorisations et qui contrôle la qualité artistique de ces gens ?

Question 6 : Est-ce que l’abrogation de l’art. 78 du règlement général de police de l’ASR sur l’interdiction de la mendicité redonne des compétences communales à la municipalité ou au conseil communal en matière de mendicité ?

Question 7 : Est-ce que l’autonomie communale en matière d’ordre public garantie par la Constitution vaudoise permettra aux autorités communales montreusiennes d’édicter leur propre règlement communal concernant la mendicité dès que la loi vaudoise aura été modifiée ?

Je remercie d’avance la Municipalité pour les réponses qu’elle voudra bien apporter et je souhaiterais si possible que cela soit fait par écrit lors du prochain conseil.

Olivier Müller, Conseiller communal PLR

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